En séjour à Paris, le ministre des Affaires étrangères, M. Moussa Faki Mahamat a été reçu hier par son homologue français Laurent Fabius. Le patron de la diplomatie tchadienne a également accordé une interview à RFI. TCHAD24 vous fait lire ici l’intégralité de l’interview.
RFI : Paris assure que ses forces se retireront du Mali à la fin du mois d’avril. Ce retrait s’effectuera-t-il en même temps que les forces tchadiennes du pays ?
Moussa Faki : Non. Les forces tchadiennes sont intervenues dans le cadre de la MISMA. Il est bien vrai que l’Etat-major de la MISMA n’était pas prêt quand l’opération SERVAL avait commencé, les forces tchadiennes, en coordination avec les forces françaises, ont mené les combats pour libérer les principales villes au nord du Mali et elles sont actuellement sur les théâtres dans les Ifoghas. L’armée française va se retirer. Il y aura, je l’espère, le déploiement total des autres forces africaines prévu dans le cadre de la MISMA. L’armée tchadienne avisera et maintiendra un dispositif au Mali. Nous allons discuter de son format. Tout ce que nous souhaitons est que l’armée malienne qui est actuellement en formation puisse se ressaisir et être opérationnelle pour pouvoir participer à la stabilisation, parce que les différentes forces seront amenées à partir un jour. Il faut qu’elle ait la capacité de pouvoir maintenir l’indépendance et l’intégrité du territoire malien.
RFI : Vous pensez que cela sera possible dans combien de temps ?
Moussa Faki : L’Union européenne a envoyé une mission militaire qui a évalué la situation et qui a commencé la formation. Nous savons qu’il y a de bons officiers dans ce qu’il reste de l’armée malienne. Il suffit de les organiser, de les doter des moyens conséquents et je suis certain que, progressivement, cette force montera en puissance et sera à même, à terme, d’assurer l’indépendance de ce pays. Ce que je peux vous dire c’est que l’opération conjointe armée tchadienne-armée française a fait un travail important dans les Ifoghas. Elle est entrain de faire du ratissage sur le terrain. Plus de 70% du travail est fait. Mai il ne faut pas aller trop vite en besogne, parce que nous avons un adversaire particulier sur un théâtre particulier et donc, il faut être prudent. Je pense qu’on a encore besoin d’un travail sur l’ensemble du Mali, plus particulièrement au nord et dans la zone de Tombouctou. Vous savez, ces dernières heures, il y a eu des combats dans la zone de Tombouctou. A mon avis, il faut continuer ce travail.
RFI : A terme, le Tchad fera-t-il partie des casques bleus qu’entendent déployer les Nations Unies ?
Moussa Faki : Nous n’avons pas été une force à part dés le départ. Nous pensions avoir pris la bonne décision d’intervenir en coopération avec l’armée française. Le contingent tchadien qui sera dans le cadre de la mission de maintien de la paix sera un contingent bel et bien membre de cette force sous mandat des Nations Unies.
RFI : Avez-vous été visé sur votre territoire par la menace terroriste à cause de votre intervention au Mali ?
Moussa Faki : La menace terroriste concerne tout le monde et à fortiori ceux qui se sont engagés à les combattre. Si nous sommes intervenus au Mali, c’est en connaissance de cause, donc nous prenons les dispositions pour nous prémunir.
RFI : Combien vous a coûté au jour d’aujourd’hui cette opération et avez-vous des espoirs un jour d’être remboursé et par qui ?
Moussa Faki : Je n’ai pas de chiffres exacts, mais ça coute. Vous vous imaginez, plus de 2.000 hommes projetés sur un théâtre qui atteint 2.000 à 3.000 km, avec des centaines d’engins ? Cela a certainement coûté cher ! Nous avons été amenés à financer sur nos propres fonds, puisque nous intervenons dans le cadre de la MISMA, notamment dans le cadre de la résolution 2485. Je suppose que nous serons remboursés et que la suite de la mission telle qu’elle est entrain d’être bâtie, une mission de maintien de la paix ou de stabilisation, doit être en principe financée totalement par les Nations Unies. Le Mali est un Etat africain, un Etat ami du Tchad. La menace sur le Mali est une menace sur le Tchad et nous n’avons pas besoin d’être priés, ni payés pour cela. C’est un engagement, c’est une conviction. Si la menace est dans un autre pays, nous serions intervenus parce qu’en intervenant, nous travaillerons pour notre propre sécurité.
RFI : En RCA, les accords de Libreville ont volé en éclat. Comment revenir à la paix dans ce pays ?
Moussa Faki : L’accord de Libreville signé le 11 janvier doit être appliqué. Et de cela, nous avions discuté avec le ministre Fabius. Il y a une totale convergence de vue. Cet accord doit être appliqué dans toutes ses dispositions. Les parties centrafricaines doivent comprendre la nécessité de ne plus revenir en arrière. Ce pays a beaucoup souffert de l’instabilité et il faut tout faire pour que cet accord puisse permettre une stabilisation de la situation en RCA. Le Président de la République du Tchad, en sa qualité du Président en exercice de la CEEAC, en concertation avec le Président Sassou qui est le Président du Comité de suivi de cet accord, pourront se rendre à Bangui et les rencontrer pour les inciter à aller de l’avant.