Fondateur de Point-Afrique, Maurice Freund a dû interrompre la quasi-intégralité des dessertes aériennes.
Excellent connaisseur du Sahel, Maurice Freund a fondé Point-Afrique en 1995, une compagnie aérienne soucieuse de développement économique local. Dès l’ouverture de sa première ligne vers Gao, au Mali, Point-Afrique a impliqué les populations locales avec un réseau de guides et d’hébergeants pour lesquels l’arrêt du tourisme d’origine européenne est une catastrophe économique.
Avez-vous stoppé les vols vers le Mali et les pays limitrophes (Niger, Mauritanie) à cause de l’insécurité?
Maurice Freund. Les routes aériennes ouvertes par Point-Afrique sur Tamanrasset, Djanet et Timimoun (Algérie), Atar (Mauritanie), Agadez (Niger) et Gao (Mali) ont été arrêtées le 22 septembre 2010, après la prise d’otage à Arlit, au Niger. Les vols sur Mopti (Mali) l’ont été début février 2011. Nous échangeons avec le ministère des Affaires étrangères. Mais notre connaissance de ces régions nous autorise à être seul juge de nos décisions. Nous avons développé, avec les autorités militaires et civiles des pays concernés, des systèmes de protection en équipant les guides de balises de détresse. Malgré ces précautions, l’Algérie, le Mali, la Mauritanie et le Niger ne présentent plus suffisamment de garanties aujourd’hui.
Avez-vous eu besoin de vous entourer de précautions particulières pour vous rendre dans ces pays?
Je continue de m’y rendre à titre personnel en évitant les zones dangereuses. Je compte des amis sûrs dans presque toutes les fractions rebelles. Je leur fais totalement confiance. Si le danger est trop manifeste, ils m’invitent à ne pas venir. Nos rencontres se déroulent donc en France ou dans les capitales. Mais il n’est pas question pour moi de me désintéresser de leur devenir.
Vous avez encore des vols vers le Tchad. Jugez-vous que la situation y est très différente?
La seule zone assez sûre est le nord du Tchad, et nous avons ouvert une ligne aérienne sur Faya-Largeau en février 2012. Nous assurons un vol hebdomadaire, et un peu plus de 1 000 touristes français y sont actuellement. Bien évidemment, nous restons très vigilants et tous nos circuits ont été étudiés avec les autorités locales. Les services de sécurité connaissent parfaitement nos itinéraires. Sans toutes ces précautions, nous ne pourrions pas nous permettre de continuer. Mais au Tchad, le contexte est différent, les Toubous ne sont pas prêts à se laisser entraîner dans la nébuleuse d’Aqmi. À ce jour, les terroristes djihadistes n’ont aucune chance de s’y installer. Si le moindre doute venait à apparaître, nous stopperions immédiatement nos activités.
Quelles conséquences la suspension de vos activités a-t-elle pour l’économie locale?
C’est une vraie catastrophe. Quelque 24 000 touristes (uniquement par Point-Afrique) se rendaient en 2010 au Mali. Le tourisme pratiqué par Point-Afrique permettait d’irriguer toutes les couches de la population. Un voyageur à lui seul donnait la possibilité à une famille de survivre dans ces régions déshéritées. Le tourisme, qui avait suscité tant d’espoir, s’est transformé en drame. Des familles entières avaient investi pour créer des petites structures d’accueil en s’endettant. Aujourd’hui, leurs seuls visiteurs sont les créanciers. J’en suis malade ! J’avais choisi de faire du tourisme un outil de développement et je vis un cauchemar.